« Il n’existe pas à proprement parler un modèle référent qu’il s’agirait de répliquer au Maroc »

IDM : Qu’est-ce qu’une startup ?

Si l’on procède à une traduction littérale, « startup » signifie société qui démarre. Et pourtant, de toutes les entreprises qui démarrent, seule une proportion réduite peut être qualifiée de startup. Dans startup, il y a deux éléments : « Start » qui connote une idée de démarrage, et « up », celle d’une forte croissance.

Mais quels sont alors les critères pour désigner une « startup » ? L’approche de Patrick Fridenson, historien d’entreprises, est intéressante : ce n’est ni l’âge, ni la taille, ni le secteur d’activité, qui fait d’une entreprise une start-up, mais les conditions suivantes :

1) la perspective d’une forte croissance,

2) l’usage d’une technologie ou d’un procédé nouveau ou de rupture

3) le besoin d’un financement important, notamment par le recours à des levées de fonds. Le terme a d’ailleurs commencé à être utilisé par les premières sociétés de capital-risque aux Etats-Unis dès 1946.

Partant de ces données, il semble clair qu’une start-up, c’est avant tout un « mindset » et une vision qui ne considèrent pas le risque mais plutôt l’opportunité sous-jacente, généralement incarnées par son fondateur. Ce dernier se lance souvent dans un marché complexe, instable ; parfois, il s’attèle même à le créer. Dans les deux cas de figure, la start-up ne dispose pas d’un modèle économique figé : elle va continuellement itérer sur son marché, en identifiant des « patterns » au fur et à mesure, jusqu’à trouver son « market fit » et son business model associé.

IDM : On parle beaucoup de fortes croissances et de réussites dans ce secteur, mais on évoque très peu des échecs. Quel est le taux d’échec des startups à l’international et au Maroc ?

C’est vrai. Etre une « startup » est en réalité une étape éphémère. Soit parce qu’elle réussit et prouve l’efficience et la valeur ajoutée de son modèle économique et auquel cas, elle croit et se structure ou se fait absorber. Soit parce que le modèle économique ne trouve pas son « market fit » et de ce fait la startup échoue.

Pour ce qui est du taux d’échec à proprement parler,  le chiffre évoqué par les experts internationaux se situe souvent autour des 90%. Mais en réalité, ce chiffre pourrait être bien plus élevé si l’on y associe également les porteurs d’idées qui ne convertissent pas celles-ci en projet et n’intègrent donc pas les statistiques.

Si l’on se base sur l’exemple français documenté par l’INSEE, le taux d’échec des startups diminue en fonction de l’âge de la structure. Après 5 ans, la courbe s’inverse est le taux de réussite prend le dessus pour s’établir à 51%.

En revanche, une majeure partie des réussites sont portées par des profils de « serial entrepreneurs » qui eux ont connu des échecs souvent très instructifs, échecs qui parfois ont inspiré l’idée de la prochaine « venture» à succès.

IDM : Quels seraient les modèles intéressants à l’international pour développer la scène startup au Maroc ? 

Il n’existe pas à proprement parler un modèle référent qu’il s’agirait de répliquer mais il existe un certain nombre de prérogatives menées à l’international dont il est structurant de s’inspirer.

Si le potentiel créatif est bien présent partout dans le monde, son éclosion et son rayonnement sont intimement liés à la maturité de l’écosystème entrepreneurial, espace d’expression et de développement qui lui est réservé.

Pour lui donner une identité et une mission première, l’écosystème startup doit prendre conscience du contexte et des enjeux de l’économie et de la société marocaines et contribuer à y apporter des réponses concrètes. L’exemple de l’écosystème Tech en Floride est un cas d’inspiration. Une grande partie de leurs startups évoluent au sein des secteurs qui constituent le gros du PIB de la région. En effet, les startups sont encouragées à apporter des solutions qui vont créer de l’efficience et de la compétitivité au sein des secteurs clés à savoir l’agriculture, le tourisme et loisirs, l’immobilier ou encore la gestion d’actifs.

Pour cela, les grandes entreprises, les grandes commissions représentatives du secteur privé ainsi que les hautes instances gouvernementales doivent jouer un rôle d’impulsion et encourager les startups à dresser les problématiques et opportunités présentes au sein de nos secteurs les plus stratégiques. L’innovation ouverte ou l’« open innovation », qu’elle soit initiée par le privé ou par le gouvernement, en est un instrument qui a d’ailleurs fait ses preuves dans plusieurs pays. Cette démarche consiste à créer des schémas de collaboration « win-win » entre les startups et les grandes entreprises, en fédérant leurs actifs et en faisant converger leurs atouts. Néanmoins, le facteur clé de succès de ce nouveau type de partenariat est la conscience des grands groupes en la nécessité de l’innovation, et en la capacité des startups à leur apporter des réponses sur des cycles courts de par leur agilité et leur ADN innovant.

Le deuxième exemple qu’il est intéressant de citer est celui du Chili, surtout lorsque l’on met en perspective le rôle de locomotive que le Maroc incarne de plus en plus à l’échelle de la région et du continent. « Startup Chile » a été une initiative de stimulation de l’écosystème startup impulsée par le gouvernement chilien. Cette approche a eu un succès spectaculaire en termes de « Nation Branding », et a finalement attiré un grand nombre de parties prenantes étrangères à s’inscrire au sein de cette initiative et à lui donner une dimension continentale : bailleurs de fonds, fonds d’investissement, accélérateurs, spin-offs et implantation de startups ayant réussi dans des pays de la région, etc.…

IDM : A quel niveau de la chaine de développement d’une startup intervient Endeavor Maroc ? 

Pour rapidement évoquer notre identité, Endeavor Morocco est une organisation internationale présente dans 30 pays qui a pour mission de catalyser des entreprises à fort potentiel de croissance (entreprises qualifiées de « scale-ups » dans le jargon de notre industrie) et de contribuer au renforcement des écosystèmes locaux et régionaux.

Nous nous positionnons en tant un accélérateur de croissance et ciblons les entreprises ayant d’ores et déjà prouvé leur « market fit », dont les caractéristiques les plus évocatrices sont une forte croissance en termes de revenus ainsi qu’une modèle économique « scalable ».

Les entrepreneurs à la tête de ces structures sont ceux dont l’ADN renferme un leadership et une volonté marquée d’inspirer et d’aider à leur tour les futures générations. En effet, le « Give back » et le mentorat sont à notre sens les facteurs de pérennité et d’essor de l’écosystème entrepreneurial.

Une dizaine d’entreprises innovantes ayant un potentiel de croissance à deux chiffres ont récemment intégré le vivier d’entreprises accompagnées.

IDM : Quel est l’accompagnement proposé par Endeavor Maroc ?  

L’accompagnement personnalisé mené par l’équipe, le mentorat et les mises en relation avec des experts, investisseurs et dirigeants d’entreprises d’envergure internationale constituent les éléments structurants de notre proposition de valeur. La conjugaison de ces trois leviers leur permet de redimensionner leurs ambitions et d’affiner leur stratégie, dans la perspective d’accélérer considérablement leur croissance.

IDM : Pourquoi selon vous on n’arrive toujours pas à voir émerger au Maroc une scène startup du niveau de l’Egypte ou de la Jordanie ?   

Je pense d’abord que nos intrinsèques de marché sont en deçà des exemples cités car il ne faut pas oublier que les startups de ces deux pays s’adressent à des marchés régionaux intégrés, attractifs et très liquides. Ce marché du Middle-East a déjà vu émerger des success stories d’envergure internationale. Je pense notamment à « Mektoub » et à « souk.com », qui a réalisé un exit historique suite à l’acquisition par le géant de l’e-commerce mondial Amazon en juillet dernier, pour une valeur de 650 millions de dollars. Mais à mon sens, la différence fondamentale se situe au niveau de l’infrastructure éducationnelle et par ricochet à la compétitivité du capital humain,  qui se situe en dessous du niveau des compétences disponibles dans la région.

La mécanique à amorcer est celle d’une impulsion gouvernementale réfléchie, qui investit d’une part dans l’attraction et le financement de programmes de formation de pointe et de création des métiers de demain. Le second niveau est le changement de paradigme chez les institutionnels, qui doivent considérer les atouts naturels des startups, à savoir l’agilité et la rupture, comme outil ou moyen pour servir leurs propres innovation et compétitivité.

C’est l’activation et la mise en œuvre de ces chantiers qui pourront attirer de grands acteurs internationaux de la technologie à s’implanter dans la région et à catalyser l’ensemble des acteurs locaux de l’écosystème.

Carte de visite 

Lauréat d’EMLYON Business School, Sidi Mohammed Zakraoui est « start-up advisor » et « growth officer », expert du digital et des TIC. D’abord Entrepreneur du digital et parmi les pionniers dans la mobilité en France, il rejoint le cabinet de Business Consulting BearingPoint à Paris où il a accompagné plusieurs multinationales dans la réflexion et la mise en œuvre de leur transformation digitale. Il occupe aujourd’hui la position de « Selection & Growth » Director chez Endeavor, où il identifie, sélectionne et accompagne des entreprises à fort impact dans une optique de « scale-up » et d’accélération de leur croissance.

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