
En août 2025, le gouvernement marocain a dévoilé, dans la note de cadrage du PLF 2026 (Projet de Loi de Finances), un scénario résolument optimiste, misant sur une accélération de la dynamique économique malgré un environnement international toujours incertain.
L’exécutif vise une croissance de 4,5 %, un déficit budgétaire réduit à 3 % du PIB et une dette publique stabilisée autour de 65,8 %. Présentés le 8 août, ces objectifs traduisent la conviction qu’un plan massif d’investissements stratégiques et de réformes structurelles peut soutenir la compétitivité et renforcer la résilience du pays.
Des investissements stratégiques pour soutenir la croissance
Cet optimisme repose sur un portefeuille de projets d’envergure : l’extension de la flotte de Royal Air Maroc pour 160 milliards de dirhams, la réalisation de la ligne à grande vitesse Kénitra–Marrakech (96 milliards), la modernisation des aéroports (25 milliards) et le développement de filières d’avenir comme le gaz et l’hydrogène vert. Les secteurs clés de l’économie font l’objet de stratégies ciblées : le tourisme, en hausse de 19 % d’arrivées et fort de 54 milliards de dirhams de recettes au premier semestre 2025, voit ses programmes Cap Hospitality et Go Siyaha prolongés, avec un accent sur la qualité et la durabilité. L’industrie et l’agriculture bénéficient de mesures de réindustrialisation, de valorisation des filières et d’intégration locale. Dans le numérique, la stratégie “Maroc numérique 2030” entend tripler le nombre de diplômés du secteur d’ici à 2027 et développer des infrastructures cloud pour renforcer la souveraineté digitale. Côté infrastructures, l’extension du réseau autoroutier — notamment sur l’axe Casablanca–Rabat — et la modernisation portuaire à Nador West Med et Dakhla Atlantique visent à améliorer la compétitivité logistique du pays.
Le PLF 2026 se veut également un instrument de cohésion sociale et territoriale, articulé autour de quatre priorités : soutenir la croissance, renforcer la solidarité, rééquilibrer le développement régional et assurer la soutenabilité budgétaire. Il privilégie des aides directes et conditionnelles aux ménages les plus vulnérables, tout en accélérant la réforme de l’administration à travers la digitalisation et la simplification des procédures. La gestion des ressources hydriques figure parmi les chantiers stratégiques, avec la mise en service de deux grands barrages et l’accélération du programme national de dessalement, qui doit fournir annuellement 1,7 milliard de m³ d’eau potable et d’irrigation d’ici à 2030.
HCP : un scénario prudent face aux incertitudes mondiales
Face à cette ambition assumée, le Haut-Commissariat au Plan (HCP) adopte une lecture plus prudente. Dans son Budget économique exploratoire 2026, publié le 15 juillet 2025, l’institution prévoit une croissance de 4,4 % en 2025, qui ralentirait à 4,0 % en 2026. Elle anticipe également un déficit budgétaire ramené à 3,4 % du PIB (contre 3,6 % en 2025) et un déficit du compte courant à 1,9 %. Ce scénario repose sur l’analyse d’un contexte mondial encore fragilisé par la volatilité des échanges commerciaux et les incertitudes sur les marchés de l’énergie.
Entre la prudence statistique du HCP et le volontarisme politique du gouvernement, l’économie marocaine se trouve donc à la croisée des chemins. Si les autorités parient sur l’investissement massif et les réformes pour franchir un nouveau cap, la réussite de cette stratégie dépendra de la capacité à conjuguer ambition et réalisme, dans un environnement global en constante mutation.
Par Hakim Farès