La croissance de l’industrie automobile marocaine n’est pas que positive, elle est surtout prometteuse, explique Ayda Fathi, la directrice générale de l’industrie automobile au ministère de l’Industrie et du commerce. Dans cet entretien exclusif accordé à Industrie du Maroc, elle commente les résultats de ce secteur en plein essor et passe en revue les leviers qui lui ont permis d’accroître ses revenus de près d’un tiers d’une année à l’autre. Interview.
IDM : Comment évaluez-vous l’évolution récente du secteur automobile au Maroc ?
Ayda Fathi : Aujourd’hui, l’industrie automobile au Maroc connaît une croissance soutenue et a réalisé des performances remarquables grâce à la vision éclairée de Sa Majesté le Roi Mohamed VI, que Dieu l’assiste, et grâce aussi à l’application, à la mise en œuvre de plusieurs politiques industrielles incitatives qui sont venues supporter le développement de cette industrie. Si nous devons retenir un chiffre par rapport à cette évolution, c’est le chiffre des exportations. A fin novembre 2023, nous avons enregistré un chiffre de 130 milliards de dirhams en termes d’exportation.
Et pour un peu nous positionner par rapport à ce chiffre, en 2014, le Maroc exportait 44 milliards pour cette industrie automobile. Cette industrie maintient toujours sa position leader dans ce secteur. Donc une croissance positive mais aussi, par rapport à l’évolution, un avenir prometteur. Nous savons tous que cette industrie au niveau mondial connaît des mutations majeures, donc de nouveaux défis. Et aujourd’hui, le Maroc a su apporter des réponses à ces défis pour répondre à ces nouveaux paradigmes. Le Maroc a su démontrer son agilité, sa capacité à faire face aux crises et apporter des réponses adéquates. Ce qui le prouve, c’est que nous recevons de plus en plus d’entreprises qui souhaitent s’installer au Maroc. Et bien sûr et surtout, les entreprises déjà installées au Maroc ouvrent une deuxième, une troisième, une quatrième usine.
Comment le ministère soutient-il le développement et la croissance des entreprises du secteur ?
Le ministère soutient le développement et la croissance des entreprises du secteur automobile par le biais des politiques incitatives et l’accompagnement, tout au long du cycle de vie de l’entreprise, grâce notamment à la mise en place de politiques industrielles successives qui répondent à chaque fois aux besoins des industriels puisqu’elles ont été élaborées avec le secteur privé.
Comment le Maroc encourage-t-il l’innovation dans le secteur automobile ?
Le ministère a toujours porté une attention particulière à l’innovation en général dans l’industrie et particulièrement dans l’industrie automobile. D’ailleurs, l’un des axes majeurs des orientations royales qui ont été partagées lors de la première édition de la journée nationale de l’industrie est la « souveraineté ». C’est le mot d’ordre. La souveraineté aujourd’hui est posée au premier rang de la nouvelle stratégie industrielle en déployant des leviers stratégiques dont la R&D et l’innovation.
A titre d’exemple, au ministère de l’Industrie, avec la CGEM, nous avons un outil important qui est le fonds de soutien à l’innovation qui a été mis en place et qui permet aujourd’hui d’accompagner les entreprises marocaines, grandes entreprises ou petites et moyennes entreprises, pour le financement de toutes les phases amonts d’un projet industriel, que ce soit la phase R&D, prototypage, lignes pilote et test. L’innovation est au cœur de toutes nos réflexions, de nos actions quotidiennes. Il y a aussi un événement que je juge important, un signal, qui est celui de l’accueil réservé par notre souverain à la voiture hydrogène NAMX qui a été développé par un marocain, Faouzi Annajah. Cela démontre, au plus haut niveau, l’importance de l’innovation dans l’industrie et en particulier dans l’industrie automobile.
Quelles sont les initiatives visant à renforcer la compétitivité des produits automobiles marocains sur les marchés mondiaux ?
La compétitivité des produits marocains automobiles fait partie de la compétitivité de la plateforme industrielle marocaine dans sa globalité. Cette compétitivité est faite de plusieurs composantes. Elle est d’abord le fruit d’une stabilité politique importante, de la résilience de la plateforme industrielle marocaine. Elle est aussi le résultat des politiques publiques dans plusieurs domaines, que ce soit dans l’infrastructure, dans la formation du capital humain, qui est un des prérequis importants, que ce soit dans le maintien des équilibres macroéconomiques du pays.
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Toutes ces politiques, sous la vision éclairée de Sa Majesté le Roi, et qui viennent en exécution des orientations royales, font en sorte que le Maroc aujourd’hui est une destination industrielle compétitive, qui maintient sa compétitivité grâce à des coûts logistiques performants, à un accès vers un marché important, grâce aussi à la décarbonation qui pour l’industrie automobile devient une condition importante pour rester dans ce secteur. Mais aussi une fiscalité adéquate. Donc, je dirais que c’est une longue vision qui permet de donner de la visibilité aux industriels, aux investisseurs et qui est menée par toutes les parties prenantes sous la vision éclairée de Sa Majesté le Roi, que Dieu l’assiste.
Comment le secteur contribue-t-il à la création d’emplois au Maroc ?
C’est l’un des impacts les plus importants de l’industrie automobile sur l’économie de notre pays. Aujourd’hui, l’industrie automobile compte plus de 220 000 emplois directs, stables. C’est des emplois de jeunes qualifiés, c’est aussi des emplois de femmes qualifiées. C’est un impact aussi indirect sur plusieurs secteurs transverses et c’est de plus en plus d’emplois dans des métiers à forte valeur ajoutée : dans l’ingénierie, les techniciens spécialisés dans des métiers de pointe, dans l’électronique à titre d’exemple.
Nous œuvrons aussi pour développer de nouveaux métiers à plus forte valeur ajoutée et à former, en partenariat avec les parties prenantes étatiques, les profils qu’il faut pour pouvoir d’un côté assurer des emplois pérennes à nos jeunes, ce qui est une des priorités du gouvernement, mais surtout des emplois à plus forte valeur ajoutée en réponse aux instructions royales.
Quelles mesures sont prises pour intégrer des pratiques durables dans le secteur automobile ?
Quand on parle de pratique durable, on pense à la transition verte, à la sustainability qui est un mot qui revient de plus en plus. Avant tout, la durabilité est un choix fait par le Maroc, en réponse aux hautes orientations royales, en termes de développement d’une économie verte, de promotion de l’efficacité énergétique et du développement durable. Donc, aujourd’hui, c’est un choix d’une nation. Ensuite, et en particulier pour l’industrie automobile, c’est aussi un critère, donc un prérequis pour accéder aux marchés internationaux. Il faut être vert, produire vert, être durable, être propre, et donc quand on pense à ça, on pense à tous les leviers, donc du point de vue du processus de production. On pense au recyclage des eaux usées, à la valorisation des déchets, à être alimenté par une électricité verte.
Toutes ces dispositions sont accompagnées. Il y a aujourd’hui un soutien direct à cette industrie automobile qu’on veut durable. C’est soutenu à travers une offre dédiée, ‘Tatwir croissance verte’, pour surtout accompagner les PME, parce que c’est l’essentiel de notre tissu industriel aujourd’hui. Cela a été aussi l’un des critères important dans le cadre de la charte de l’investissement qui apporte un soutien direct à tous les projets qui prévoient le recyclage d’eau et des solutions d’efficacité énergétique. Il y a aussi en parallèle un travail élaboré par ce ministère avec ses partenaires industriels pour améliorer l’intégration locale.
C’est lié à une question de compétitivité, mais aussi, quand on parle de pratique durable, au processus de production et à la logistique. Cette démarche est d’autant plus importante que nous avons observé après les différentes crises, notamment la crise Covid et la guerre en Ukraine, que les groupes mondiaux ont tendance aujourd’hui à régionaliser les sourcing, à travailler en boucle courte pour éviter d’augmenter l’empreinte carbone. Donc, ce travail d’intégration locale que le ministère de l’Industrie et du Commerce conduit avec ses partenaires industriels fait en sorte de développer, de densifier cette chaîne de valeur, qui est aujourd’hui constituée de plus de 250 équipementiers installés, pour que l’on puisse pouvoir permettre aux grands groupes de se sourcer local et donc de privilégier, toujours dans le cadre d’une économie mondiale, une économie régionale et locale.
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